dimanche 11 mai 2008

Portrait de Joan Miró

« Recevoir Miro dans ma soupente, qu’il s’installe sur la chaise droite et pose pour que je puisse le portraiturer ?! J’en avais le coeur qui battait à 130 ! Et mille questions tournoyaient dans ma tête : à quelle distance mettre le chevalet pour ne pas avoir à jongler avec mes lunettes ? Préparer des boissons et des amuse-gueules ? Tirer le rideau de tulle pour estomper les contrastes ? Il s’avéra être un modèle parfait, solidement ancré dans sa pose, sans rigidité mais sans bouger d’un millimètre et, surtout, en restant muet. Hélas, trois fois hélas, la tête que j’avais devant moi ne disait rien du Miro causant et papoteur du Petit Saint-Benoît. Là-bas, j’avais vu ses mains plus que sa tête et son regard plus que son visage. Que faire avec la tête, le cou, les épaules, l’oreille protubérante dans lesquels le Miro « intérieur » que je voulais dessiner se cachait ? Dans quel pétrin m’étais-je fourrée ! Attraper de chic la ressemblance physique ne faisait pas partie de mes talents. Confrontée à ce que je n’avais pas vu — la complexité de volumes peu parlants, le nez-objet, la bouche indécise mais sensitive, la mèche de cheveux épars sur la rondeur du front dégarni — je procédai comme pour un fruit à décortiquer. Avec une impeccable obligeance, Miro posa pour moi quatre fois, à raison de trois-quarts d’heure la séance, jusqu’à ce que le regard des yeux dessinés au crayon conté soit celui de MON Miro. Miro n’a joué ni au Maître, ni au copain. Il s’est conduit en ouvrier consciencieux un peu introverti qui en rencontre un autre et se sent bien avec lui. » [pp.382-383]


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Un Diamant Brut: Portrait de Joan Miró



 
 
Images numériques © Ariel L. Szczupak 2008. cs.

Portrait de Joan Miró; Un Diamant Brut; Yvette Szczupak-Thomas; Métailié.

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