Monsieur Pierre Monnot, directeur de l’Assistance Publique du département de l’Yonne. Photo prise en 1960.
« Reparaître devant Monsieur Pierre Monnot, directeur de l’Assistance Publique du département de l’Yonne, ce protecteur infâme de l’enfance malheureuse, ce sinistre spécialiste de la marmaille mal-née, rejetée, orpheline, ce Deus-ex-Machina qui avait régné en maître sur ma vie de pupille ? ... Il consulte mon dossier sans parler, commente toutefois sa lecture par des gestes angulaires expressifs dénotant des évidences, des contradictions, puis une impuissance finale. Il se redresse et s’écrie : " Mademoiselle ! Pour les autorités que je représente, vous nous avez quitté en 1942. Pour nous, vous n’existez plus ! Vos parents adoptifs sont seuls habilités à décider en votre nom et pour votre bien. Vous avez actuellement le statut d’une fugueuse. La loi m’oblige à informer la gendarmerie de votre présence dans nos murs. " ... Avec l’élégance enseignée par Tiggie (genoux accolés, jambes à l’oblique, bord de la jupe ostensiblement tiré), je m’accoudai au bureau et d’un ton de confidence, me lançai avec lenteur : " Voyez-vous, Monsieur le Directeur, je suis chez vous de passage, pour peu de temps. Dès ma majorité, je quitte la France pour aller vivre à Jérusalem. " ... Là, sur l’instant, le frénétique personnage opéra un tour complet sur lui-même, balayant dans sa lancée les grains de la jalousie atroce qu’il avait ressentie à l’idée d’une fille échappée de son troupeau parvenue à Jérusalem, là où jamais il n’aurait la possibilité de mettre le pied. Débordé par sa passion, Monsieur Pierre Monnot s’engouffra dans un pèlerinage fantasmatique et de substitution. Absorbé comme un élixir, comme un nectar divin, mon itinéraire devint le sien. Plus question de contacter la Gendarmerie. Que je revienne demain à l’aube, il y a tant à parler, à analyser, à préparer... » [pp. 418-420]
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Images numériques © Ariel L. Szczupak 2008
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